Le multilinguisme et la science ouverte

Actualités du comité
16/12/2020

Selon l’Initiative d’Helsinki sur le multilinguisme dans la communication savante, celui-ci permet de continuer à mener des recherches pertinentes au niveau local, de créer de l’impact par la diffusion des résultats de la recherche dans sa propre langue, de valoriser la diversité des travaux scientifiques et d’interagir avec la société. Or, si la culture scientifique est majoritairement véhiculée par une seule langue, partager des connaissances au-delà des organismes de recherche et des universités devient difficile. Le contraire de l’esprit de la science ouverte dont l’un des principes fondamentaux est la démocratisation de l’accès au savoir produit par la recherche. L’Initiative d’Helsinki a servi de point d’ancrage de la démarche du groupe de travail « Traductions et science ouverte » pour son rapport.

Pour les membres du groupe, la traduction constitue clairement une option possible pour répondre à cette nécessité d’ouverture. Leur objectif est d’identifier des possibilités techniques pour développer la diffusion multilingue de la science, en exploitant les récents progrès des technologies de la traduction. Ainsi, le multilinguisme à une large échelle dans la communication scientifique sera favorisé ; les chercheurs pourront publier dans la langue de leur choix sans pour autant être pénalisés ; un nouveau modèle d’accès, universel et multilingue, à l’information scientifique, verra le jour. Mais une condition est indispensable : « l’humain doit rester au cœur du processus, les technologies devant optimiser le travail sans devenir une contrainte ou une source de frustration pour les utilisateurs, que ce soit les intervenants dans le processus de traduction ou les lecteurs finaux. »

Les membres du groupe attirent également l’attention sur trois éléments essentiels à la réussite du multilinguisme :

  • une adaptation de l’écosystème de l’édition scientifique ;
  • des actions politiques pour repenser les systèmes et les métriques d’évaluation, ainsi que les mécanismes de financement ;
  • un changement d’ordre culturel chez les universitaires, les chercheurs et les enseignants-chercheurs afin que la valeur des publications non anglophones soit pleinement reconnue.

Le rapport propose de poursuivre une double ambition :
1) favoriser un rayonnement de la production scientifique en français vers d’autres langues dans tous les continents et
2) briser les barrières linguistiques pour les citoyens, organisations et entreprises francophones souhaitant accéder aux résultats de la recherche internationale.

Dans un premier temps, le groupe montre la nécessité d’une approche raisonnée de la traduction, au vu de la masse de publications, pour tenir compte entre autres des usages et des besoins disciplinaires. Une telle démarche différenciée apparaît nécessaire dans l’optique de valorisation de la production scientifique française à l’international. Dans ce but, des expérimentations technologiques seront réalisées dans cinq disciplines scientifiques, sur trois paires linguistiques (français → anglais, anglais → français et français → espagnol) pour des raisons de disponibilité de ressources linguistiques et d’audience mondiale importantes, et sur des formats de publication abordables, notamment les métadonnées, les résumés et les comptes rendus d’ouvrages.

Le groupe présente ensuite un inventaire des outils de traduction, constitué de deux sections : une dédiée aux outils de traduction automatique et une consacrée aux outils de traduction assistée par ordinateur (TAO).

Enfin, le groupe de travail recommande à court et moyen terme les actions et les expérimentations listées ci-après :

  1. Analyse de la nature et de la volumétrie des corpus multilingues identifiés et étude de nouvelles possibilités pour la collecte ;
  2. Traitement des corpus collectés afin d’obtenir des bases de test et d’apprentissage et des ressources linguistiques mutualisées pour alimenter les systèmes de traduction ;
  3. Évaluation de moteurs de traduction automatique en utilisant les bases de test et d’apprentissage ;
  4. Organisation de journées d’étude rassemblant les porteurs des projets lauréats de l’appel Traductions scientifiques et d’autres acteurs pertinents pour faire des propositions sur la base de constats et résultats concrets ;
  5. Création d’un démonstrateur pour préfigurer un processus de traduction à grande échelle dont les résultats pourraient être révisés en vue d’être adaptés et pris en charge dans une chaîne éditoriale ;
  6. Élaboration d’un guide à destination des chercheurs et des institutions de recherche sur la traduction automatique, la rédaction en langue étrangère et la « rédaction claire » (adaptée à la traduction automatique) ;
  7. Étude de pistes de collaboration dans les réseaux d’éditeurs européens pour la constitution de corpus.

 

Les travaux du groupe s’inscrivent dans le cadre du Comité pour la science ouverte (CoSO) en partenariat avec la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF), et se placent dans la continuité de l’appel à projets Traductions scientifiques, lancé en 2018 par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI).
Le groupe est suivi par un comité de pilotage constitué de représentants des institutions partenaires (MESRI, CoSO, DGLFLF).