Le Collège Publications du Comité pour la science ouverte apporte un éclairage sur l'objectif et les questions essentielles de la concertation et du financement, deux points abordés dans le rapport "L'avenir de l'édition scientifique en France" de Jean-Yves Mérindol, publié en novembre 2019.

Propositions du Collège Publications du Comité pour la science ouverte sur les recommandations du rapport Mérindol

Mars 2020

Le Collège Publications du Comité pour la science ouverte salue la publication du rapport « L’avenir de l’édition scientifique en France » remis par Jean-Yves Mérindol à la Ministre Frédérique Vidal en novembre 2019. Ce travail approfondi brosse un tableau détaillé des problématiques liées à l’édition scientifique et à leur renouvellement dans le contexte de la politique de Science Ouverte, tant au niveau français qu’européen.

Cette note n’a pas l’ambition de commenter l’ensemble des thématiques abordées. Elle est focalisée sur l’objectif et les questions essentielles de concertation et de financement.[1]Un addendum portant sur l’ensemble des préconisations sera publié ultérieurement par le Collège Publications. La question de la liberté académique, longuement abordée par le rapport en lien avec la question du droit d’auteur, et qui est, de façon plus large, fréquemment invoquée dans les débats sur la science ouverte, fait quant à elle l’objet d’une réflexion spécifique au sein du Collège.

Le premier constat partagé est que l’édition scientifique constitue un enjeu crucial pour la recherche et nécessite à ce titre un soutien des pouvoirs publics, tant en ce qui concerne l’édition privée que l’édition publique. La coexistence et la vitalité de ces deux secteurs est une condition nécessaire pour garantir la bibliodiversité.

Le collège Publications adhère également à l’idée d’instaurer une instance de concertation qui viendrait prendre la suite du Comité de suivi de l’édition scientifique en 2021 à l’issue de ses travaux, tout en restant distincte du Comité pour la science ouverte.

Le contexte a en effet changé depuis les années 2014-2016 et l’adoption de la loi pour une République numérique, qui avait généré des tensions entre acteurs privés et acteurs publics. Ces derniers avaient notamment pris la décision de quitter le Groupement Français des Industries de l’Information (GFII), considérant que ce cadre ne présentait plus des garanties suffisantes d’impartialité pour qu’une discussion y trouve place.

Le Comité de suivi de l’édition scientifique a constitué une première étape pour renouer ce dialogue, dans un contexte plus apaisé et avec l’accompagnement de l’État. Une partie des motifs de tension entre acteurs privés et acteurs publics semble par ailleurs n’être plus d’actualité. Les conclusions des études commandées par le Comité ont notamment montré que, contrairement aux craintes exprimées par certains acteurs privés, l’article 30 de la loi pour une République numérique n’a pas déstabilisé le champ des revues en SHS.

Pour qu’une telle instance de concertation soit mise en place dans de bonnes conditions, le Collège Publications sera attentif à sa composition, ses attributions et ses modalités de fonctionnement, afin de garantir que tous les intérêts en présence soient représentés et puissent s’exprimer à travers des procédures transparentes. Le rapport Mérindol demande à ce que cette instance conduise également des études sur l’édition scientifique, comme le fait actuellement le Comité de suivi de l’édition scientifique. Le Collège approuve cette idée et souligne l’importance que les méthodologies, suivies pour conduire de telles études et dégager des interprétations à partir de leurs résultats, puissent faire l’objet d’une discussion transparente et contradictoire. À cette fin, il paraît important que le Comité pour la science ouverte soit associé à la conduite de ces études.

Le Collège Publications reconnaît l’importance d’un soutien à l’édition scientifique, mais émet néanmoins des réserves quant à l’idée de lancer un plan distinct du Plan national pour la science ouverte et piloté pour sa mise en œuvre par cette nouvelle instance de concertation.

Il est clair que la transition vers la Science Ouverte des acteurs de l’édition scientifique doit faire l’objet d’un accompagnement par les pouvoirs publics, y compris sur le plan financier. C’est précisément l’objectif de l’appel à projets du Fonds national pour la science ouverte (FNSO) et le collège rappelle qu’il est ouvert à tous les acteurs, publics et privés, dans la mesure où ceux-ci respectent ou s’engagent à terme à suivre les critères d’exemplarité établis par le Comité pour la science ouverte. Le Collège insiste d’ailleurs sur l’importance que cet appel soit reconduit dans les années à venir, ce qui nécessite que le FNSO soit abondé sur une base pluriannuelle.

Au-delà d’une aide par voie de subventions ponctuelles à des projets, le soutien à la transition vers la Science Ouverte pourrait prendre des formes plus pérennes, comme des groupements de commande, afin de consolider des initiatives vertueuses. Cette formule a été expérimentée à partir de 2017 dans le cadre du plan de soutien à l’édition scientifique et a pu bénéficier à Cairn.info, OpenEdition et EDP Sciences. Le Collège Publications insiste néanmoins sur le fait que cette politique, si elle devait être prolongée, doit à présent être mise en cohérence avec le dispositif global de soutien à la Science Ouverte et, en particulier, réexaminée à l’aune des critères d’exemplarité établis par le Comité pour la science ouverte. Ce serait le moyen de garantir que les financements publics iront bien au soutien d’acteurs engagés dans un processus sincère et durable d’évolution vers la Science Ouverte.

Le rapport Mérindol insiste sur le fait que la politique de soutien à l’édition scientifique doit prendre en compte la question de la Science Ouverte. Le collège Publications dirait les choses autrement : le soutien à l’édition scientifique n’est pas autre chose qu’une des branches de la politique de Science Ouverte, dans la mesure où aucun soutien public ne saurait dorénavant être accordé à des modèles éditoriaux qui ne satisferaient pas à des critères exigeants en matière d’ouverture.

Créer un nouveau plan de soutien à l’édition scientifique, distinct du Plan national pour la science ouverte, reviendrait à ce stade à créer de la confusion en multipliant inutilement les guichets, alors que les orientations de la politique nationale ont déjà été fixées en 2018. Si la future Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR) devait contenir des dispositions relatives au soutien à l’édition scientifique, celles-ci devraient être directement rattachées à la politique de Science Ouverte. Ce serait d’ailleurs le moyen de donner à ces orientations fortes de la politique scientifique nationale une consécration législative, au-delà des premiers jalons posés par la loi pour une République numérique.

References[+]