Les accords transformants : quels effets sur l’économie de la publication scientifique ?

Actualités du comité
03/05/2021

Billet rédigé par Quentin Dufour, David Pontille et Didier Torny, Projet « Socio-Économie de la Publication Scientifique », Comité pour la science ouverte

L’étude Contracter à l’heure de la publication en accès ouvert. Une analyse systématique des Accords Transformants porte sur une des innovations contemporaines liées à l’économie de la publication scientifique : les accords dits transformants. S’étant développés timidement au début des années 2010, puis plus franchement à partir de 2015, ces accords ont pour objectif affiché d’organiser la transition du modèle de l’abonnement aux revues vers celui de l’accès ouvert, en opérant une réaffectation des budgets des bibliothèques qui y sont consacrés. Comment s’inscrivent-ils alors dans la partition actuelle entre les grands éditeurs scientifiques qui possèdent ou distribuent les revues d’une part, et les bibliothèques universitaires, souvent réunies en consortiums nationaux, qui paient des abonnements pour accéder au contenu des revues de l’autre ?  Par quelles transformations financières entendent-ils bousculer les relations entre éditeurs et consortiums ?

Financée par le Comité pour la Science Ouverte, cette analyse sociologique constitue la première étude systématique sur les accords transformants. Elle a été réalisée par des chercheurs du Centre de Sociologie de l’Innovation (CNRS/Mines Paristech) entre février et décembre 2020, dans le cadre du projet plus vaste qui analyse les mutations de l’économie de la publication scientifique à l’heure de l’accès ouvert.

Au plan méthodologique, cette étude s’appuie sur deux opérations principales. D’une part, une recension systématique des 197 accords transformants qui ont été signés entre 2010 (année du premier accord recensé) et 2020 a été menée, avec des codages associés à chaque accord (durée, type de revues, éditeur…). Après une longue période de secret dans les relations entre consortiums et éditeurs, nous avons pu dénombrer 96 accords disponibles à la lecture (sur des pages web), soit moins de la moitié du corpus. D’autre part, un travail approfondi de lecture, de codage et d’analyse de 64 accords disponibles a été conduit. Partant, c’est la première étude réalisée à cette échelle, sur un type de matériel empirique non seulement inédit, mais qui était auparavant soumis à des clauses de confidentialité.

Parmi les résultats importants, trois méritent d’être plus particulièrement soulignés. Premièrement, le corpus constitué permet de prendre la mesure du développement des accords transformants : entre 2010 et 2020, les 197 accords ont été signés entre 22 consortiums nationaux et 39 éditeurs, plus de la moitié d’entre eux pour une durée de trois ans. Le nombre d’accords suit une évolution exponentielle depuis 2015 avec 47 signatures en 2020. Deuxièmement, si l’analyse rend visible la logique générale des accords, elle donne simultanément à voir la grande diversité rassemblée sous le vocable d’accord transformant. L’examen détaillé des textes contractuels éclaire tant la morphologie des accords, les formes et modalités d’articulation de l’abonnement et de la publication en accès ouvert, que la complexité et la variété des formules financières négociées par les parties. Troisièmement, cette étude met en perspective les conséquences de ces accords d’un genre nouveau sur l’économie de la publication scientifique : malgré leur nom audacieux, les accords transformants ne garantissent pas à eux seuls une transformation du modèle de publication des revues en faveur de l’accès ouvert, notamment parce qu’aucune clause contractuelle ne vise explicitement cette fin.

Le rapport s’accompagne de deux jeux de données associées, également consultables dans les fichiers annexes : le recensement des 197 accords ainsi que le tableau d’évolution des sommes financières, qui porte uniquement sur les accords pour lesquels l’information était disponible.