La science ouverte est la diffusion sans entrave des résultats, des méthodes et des produits de la recherche scientifique. Elle s’appuie sur l’opportunité que représente la mutation numérique pour développer l’accès ouvert aux publications et – autant que possible – aux données, aux codes sources et aux méthodes de la recherche. Elle permet à la recherche financée sur fonds publics de conserver la maîtrise des résultats qu’elle produit. Elle construit un écosystème dans lequel la science est plus transparente, plus solidement étayée et reproductible, plus efficace et cumulative. Elle induit une démocratisation de l’accès aux savoirs, utile à l’enseignement, à la formation, à l’économie, aux politiques publiques, aux citoyens et à la société dans son ensemble. Elle constitue enfin un levier pour l’intégrité scientifique et favorise la confiance des citoyens dans la science.
Le Plan national pour la science ouverte annoncé en 2018 par la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Frédérique Vidal, a permis à la France de se doter d’une politique cohérente et dynamique dans le domaine de la science ouverte, coordonnée par le Comité pour la science ouverte, qui associe le ministère, les établissements de recherche et d’enseignement supérieur et la communauté scientifique. A l’issue de trois années de mise en œuvre, les progrès réalisés sont notables. Le taux de publications scientifiques françaises en accès ouvert est passé de 41% à 56%. Le Fonds national pour la science ouverte a été créé, il a lancé deux appels à projets en faveur de la publication scientifique ouverte et il a soutenu des initiatives internationales structurantes. L’Agence nationale de la recherche et d’autres agences de financement demandent désormais l’accès ouvert aux publications et la rédaction de plans de gestion des données pour les projets qu’elles financent. La fonction d’administrateur ministériel des données de la recherche a été créée et un réseau est en cours de déploiement dans les établissements. Une vingtaine d’universités et d’organismes de recherche s’est dotée d’une politique de science ouverte. Plusieurs guides et recommandations pour mettre en pratique la science ouverte ont été publiés.
Les étapes déjà franchies et l’évolution du contexte international nous invitent à prolonger, renouveler et renforcer nos engagements en adoptant un deuxième Plan national pour la science ouverte, dont les effets se déploieront jusqu’en 2024. Avec ce nouveau plan, la France poursuit la trajectoire ambitieuse initiée par la loi pour une République numérique de 2016 et confirmée par la loi de programmation de la recherche de 2020, qui inscrit la science ouverte dans les missions des chercheurs et des enseignants-chercheurs.
Ce deuxième Plan national étend son périmètre aux codes sources issus de la recherche, il structure les actions en faveur de l’ouverture ou du partage des données à travers la création de la plateforme Recherche Data Gouv, il multiplie les leviers de transformation afin de généraliser les pratiques de science ouverte et il en présente des déclinaisons disciplinaires et thématiques. Il s’inscrit résolument dans une ambition européenne et propose, dans le cadre de la Présidence française de l’Union européenne, d’agir pour une prise en compte effective des pratiques de science ouverte dans les évaluations individuelles et collectives de la recherche. Il s’agit d’engager un processus de transformation durable afin de faire de la science ouverte la pratique commune et partagée, encouragée par l’ensemble de l’écosystème international de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
L’ouverture des publications scientifiques doit désormais devenir une pratique incontournable, que ce soit par une publication nativement en accès ouvert ou par le dépôt dans une archive ouverte publique comme HAL. La loi de programmation de la recherche fixe l’objectif de 100% de publications en accès ouvert en 2030.
Les conditions posées par l’Agence nationale de la recherche et par l’Union européenne dans le cadre du programme Horizon Europe, y contribueront largement. L’obligation de publication en accès ouvert devra désormais être généralisée à l’ensemble des financements de la recherche par appels à projets sur fonds publics, aussi bien pour les livres que pour les articles scientifiques.
Depuis 2018, de nombreuses agences de financement de la recherche fédérées au sein de la cOAlition S ont mis en place, à travers le Plan S, un cadre commun les engageant à rendre obligatoire l’accès ouvert immédiat à toutes les publications issues des recherches qu’elles financent. Pour atteindre cet objectif, la cOAlition S a défini la stratégie de non cession des droits, qui permet aux chercheurs de diffuser leurs textes en accès ouvert sans délai, y compris lorsqu’ils publient dans une revue sous abonnement. La France soutient cette nouvelle étape vers la réalisation des objectifs du Plan S.
Dans l’esprit de l’Appel de Jussieu pour la science ouverte et la bibliodiversité, la communauté scientifique doit œuvrer à la construction d’un écosystème de la publication scientifique ouvert, éthique et transparent, impliquant une pluralité d’acteurs éditoriaux, de formats et de langues de communication. La diversification des modèles économiques de l’édition scientifique ouverte est un enjeu particulièrement aigu, alors que les risques associés au modèle des frais de publication, en termes de charge budgétaire, de creusement des inégalités entre institutions ou disciplines, et de course à la quantité, sont de mieux en mieux perçus.
Or nous savons que 75% des revues en accès ouvert sont des revues dites « diamant », pilotées par la communauté scientifique et dont le financement ne repose ni sur un paiement des auteurs, ni sur une contribution obligatoire des lecteurs, mais est pris en charge en amont par un État, une université, un consortium d’établissements publics ou une organisation à but non lucratif. La récente étude OA Diamond Journals Study réalisée à la demande de la cOAlition S a révélé l’ampleur et le caractère stratégique de ces revues et formulé des recommandations que la France soutiendra et mettra en œuvre. Les structures d’édition scientifiques publiques, attachées aux universités ou aux organismes de recherche, seront renforcées, modernisées, et devront allier leurs forces pour réussir leur transition vers l’accès ouvert. L’archive ouverte HAL continuera à jouer un rôle central et sera améliorée du point de vue ergonomique et fonctionnel pour simplifier son appropriation par les chercheurs et par les institutions.
Tandis que l’Initiative d’Helskinki sur le multilinguisme de la production savante a affirmé l’importance des langues natives pour garantir l’ancrage social des savoirs scientifiques et la pluralité des systèmes de pensée, les barrières linguistiques entravent la circulation internationale des connaissances, tout aussi essentielle. Or les progrès spectaculaires des technologies de la traduction appuyées sur l’intelligence artificielle devraient nous permettre de dépasser cette contradiction. Un soutien sera apporté à l’expérimentation d’outils et de services de traduction de textes scientifiques, afin de favoriser le rayonnement international de la production scientifique en langue française et de faciliter la diffusion des productions scientifiques en langues étrangères auprès des publics francophones.
1. Généraliser l’obligation de publication en accès ouvert des articles et livres issus de recherches financées par appel à projets sur fonds publics.
2. Soutenir des modèles économiques d’édition en accès ouvert sans frais de publication pour les auteurs (modèle « diamant »).
3. Favoriser le multilinguisme et la circulation des savoirs scientifiques par la traduction des publications des chercheurs français.
Poursuivre le développement de l’archive ouverte nationale HAL
Construire la bibliodiversité
Favoriser le rayonnement des publications issues de la recherche française
Structurer, soutenir et moderniser l’édition scientifique française
Soutenir la science ouverte en Sciences humaines et sociales
Notre ambition est de faire en sorte que les données produites par la recherche publique française soient progressivement structurées en conformité avec les principes FAIR (faciles à trouver, accessibles, interopérables, réutilisables), préservées et, quand cela est possible, ouvertes.
L’obligation d’ouverture des données de la recherche publique, posée par la loi pour une République numérique de 2016 doit désormais se traduire dans les pratiques scientifiques grâce à des infrastructures et des services d’accompagnement adaptés. Elle est limitée par les exceptions légitimes encadrées par la loi, par exemple en ce qui concerne le secret professionnel, les secrets industriels et commerciaux, les données personnelles ou les contenus protégés par le droit d’auteur. Dans ces cas, les pratiques de partage des données devront être favorisées à travers la définition de protocoles maîtrisés.
Afin de mettre en œuvre la politique nationale relative aux données, algorithmes et codes sources demandée par le Premier ministre [1]Voir Circulaire du premier Ministre du 27 avril 2021., l’administrateur ministériel des données, algorithmes et des sources animera un réseau d’administrateurs au sein des gouvernances des établissements de recherche et d’enseignement supérieur. Grâce à leurs actions coordonnées, les données, les codes sources et les algorithmes de la recherche publique française seront produits, préservés, référencés, décrits et valorisés sous licences libres.
Pour engager tous les domaines de recherche dans des pratiques actives d’ouverture de données, Recherche Data Gouv sera créée. Recherche Data Gouv offrira un entrepôt de données pluridisciplinaires qui viendra compléter les infrastructures nationales et européennes déjà utilisées par certaines communautés disciplinaires. Elle proposera un catalogue signalant les données déposées sur d’autres entrepôts de confiance, et constituera ainsi à terme le point de visibilité de l’ensemble des données de la recherche française. L’entrepôt et le catalogue seront confiés à INRAE avec l’appui d’autres établissements et placés au service de la communauté scientifique nationale. Pour accompagner et conseiller les chercheurs tout au long du cycle de vie des données, des “ateliers de la donnée” réunissant une large palette de métiers seront structurés sur tout le territoire et des centres de référence thématiques concevront et diffuseront les référentiels et bonnes pratiques thématiques et disciplinaires. Fondée sur une gouvernance partagée par les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche français, Recherche Data Gouv garantira à la communauté scientifique la souveraineté sur les données qu’elle produit.
Gérer, préserver, ouvrir ou partager les données sont autant d’actions qui bénéficient aux progrès de la recherche scientifique. Elles permettent de mutualiser les efforts de collecte des données au sein de la communauté scientifique, de consolider et de multiplier les résultats issus de leur exploitation. Dans cette perspective, les pratiques favorisant la réutilisation des données de recherche seront encouragées, grâce à la création d’un prix récompensant les équipes qui mènent un travail exemplaire dans ce domaine.
La France continuera à apporter son soutien à la Research Data Alliance (RDA), réseau international définissant les bonnes pratiques dans le domaine des données de la recherche.
4. Mettre en œuvre l’obligation de diffusion des données de recherche financées sur fonds publics.
5. Créer Recherche Data Gouv, la plateforme nationale fédérée des données de la recherche.
6. Promouvoir l’adoption d’une politique de données sur l’ensemble du cycle des données de la recherche, pour les rendre faciles à trouver, accessibles, interopérables et réutilisables (FAIR).
Développer et structurer les offres d’accompagnement et les outils à disposition des chercheurs
Reconnaître et amplifier la réutilisation des données de la recherche
Coordonner et promouvoir la politique d’ouverture des données
Favoriser l’inscription des études sur la Santé dans la science ouverte
Le logiciel joue un rôle clé dans la recherche scientifique, dont il est à la fois un outil, un résultat et un objet d’étude. La mise à disposition des codes sources des logiciels, avec la possibilité de les modifier, les réutiliser et les diffuser, est un enjeu majeur pour permettre la reproductibilité des résultats scientifiques et soutenir le partage et la création de connaissances, dans une logique de science ouverte.
Afin de mettre en œuvre la politique nationale relative aux données, algorithmes et codes sources demandée par le Premier ministre [2]Voir la circulaire du premier Ministre du 27 avril 2021., notre ambition est que les codes sources et les logiciels produits par la recherche publique française soient développés et maintenus de façon durable, préservés et valorisés. Dans cette perspective, la fonction d’administrateur des données de la recherche du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation s’élargit aux algorithmes et aux codes sources de la recherche.
La complexité des piles logicielles scientifiques – qui combinent parfois des centaines de logiciels représentant des millions, voire des dizaines de millions de lignes de code – requiert une mutualisation des efforts de développement à l’échelle de la communauté scientifique internationale au sens large : académique, industrielle ou citoyenne. Cet élan est aujourd’hui un levier essentiel de la recherche et de l’innovation. Aussi, la diffusion des productions logicielles comme logiciels libres, c’est-à-dire publiés sous l’une des licences reconnues libres par la Free Software Foundation et l’Open Source Initiative, sera privilégiée dans le respect des contraintes légales.
La France soutiendra le développement et la conservation des codes sources, support indissociable des connaissances techniques et scientifiques de l’humanité, et poursuivra dans cette optique son soutien à l’archive universelle Software Heritage. Afin de créer un écosystème reliant codes, données et publications, la collaboration sera renforcée entre l’archive ouverte nationale HAL, la plateforme nationale des données de la recherche Recherche Data Gouv, le secteur de l’édition scientifique et Software Heritage.
Afin d’accroître la visibilité et la reconnaissance des logiciels comme contribution à la recherche, un catalogue de ces productions sera réalisé et rendu largement accessible. Un prix du logiciel libre de la recherche sera créé afin de mettre en valeur et récompenser les équipes qui réalisent un travail exemplaire dans ce domaine.
Afin de faciliter la coordination des communautés du logiciel libre à l’échelle nationale et internationale, un Collège des codes sources et des logiciels sera créé au sein du Comité pour la science ouverte, des liaisons seront établies avec la mission logiciels libres portée par la Direction interministérielle du numérique (DINUM), avec l’European Open Science Cloud (EOSC), la Resaerch Data Alliance (RDA), la Research Sotware Alliance et FORCE 11.
7. Valoriser et soutenir la diffusion sous licence libre des codes sources issus de recherches financées sur fonds publics
8. Mettre en valeur la production des codes sources de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation
9. Définir et promouvoir une politique en matière de logiciels libres
Définir et promouvoir une politique en matière de logiciels libres
Reconnaître les codes sources comme une contribution à la recherche
Coordonner les communautés de pratiques sur les codes sources et le logiciel libre
Construire un écosystème reliant codes, données et publications
Favoriser les croisements entre science ouverte et Intelligence artificielle
La science ouverte doit devenir la pratique par défaut des chercheurs et constituer un critère d’excellence de la recherche, comme c’est désormais le cas dans le programme Horizon Europe. Pour cela, il est nécessaire de transformer l’écosystème de l’enseignement supérieur et de la recherche, afin de faire converger les incitations, de renforcer les capacités et de reconnaître les efforts.
Inscrire ces pratiques dans la durée nécessite de faire évoluer le système d’évaluation des chercheurs, des laboratoires et des établissements pour le mettre en cohérence avec les principes de la science ouverte. Dans l’esprit de la Déclaration de San Francisco sur l’évaluation de la recherche (DORA) et du Manifeste de Leiden pour la mesure de la recherche, cela implique de réduire la dimension quantitative au profit d’une approche plus qualitative, de prendre en compte, au-delà des publications, la pluralité des résultats de la recherche, de faire un usage raisonné des indicateurs et de récompenser la coopération et l’ouverture plus que la compétition et le secret. Dans le cadre de la Présidence française de l’Union européenne, la France proposera la tenue d’un événement européen en faveur de la science ouverte à l’Académie des sciences (Paris) et invitera à la création d’une coalition d’acteurs de la recherche européenne qui s’engageront à mettre en œuvre des transformations opérationnelles, réciproques et lisibles dans leurs pratiques d’évaluation.
Pour transformer les pratiques quotidiennes, la science ouverte devrait être présente tout au long du parcours de formation à la recherche, depuis la licence jusqu’au chercheurs confirmés, avec un accent sur l’étape stratégique du doctorat. La gestion et l’ouverture des données de recherche appelle de nouvelles compétences et fait émerger de nouveaux métiers qu’il importe de développer, de reconnaître et de valoriser.
L’alignement des politiques d’évaluation et de formation permettra de réduire les injonctions contradictoires auxquelles ont pu être soumis les chercheurs, afin que les bénéfices de la science ouverte soient pleinement perçus. Dans cette perspective, l’accès des chercheurs aux données publiques et aux données privées d’intérêt général sera facilité, en particulier grâce à la création d’un médiateur des données d’intérêt général. L’adoption des licences libres pour les données, les publications et les codes source libèrera la circulation des résultats scientifiques et la généralisation de l’identifiant ORCID pour les chercheurs consolidera leur identité numérique et la visibilité de leurs travaux.
Pour répondre aux objectifs ambitieux de ce nouveau plan, les politiques de science ouverte devront être renforcées et amplifiées. Le Fonds national pour la science ouverte sera pérennisé et son champ d’intervention encore élargi. Nous proposerons qu’un financement issu du PIA permette d’intensifier et de diversifier son action. L’engagement affirmé des établissements et organismes de recherche dans la formalisation et la mise en œuvre de politiques de science ouverte permettra leur déploiement territorial. En parallèle, la France renforcera sa présence dans les instances internationales de la science ouverte, en particulier au sein de l’EOSC, pour y défendre la structuration d’un écosystème efficace, régulé, transparent et résilient, se plaçant au service de la communauté scientifique et de la société.
Enfin, les politiques de science ouverte devront être mieux suivies et leurs impacts mesurés grâce à la consolidation du baromètre de la science ouverte et son élargissement à de nouveaux objets. Ces politiques se nourriront des apports de la recherche, grâce à la création d’un Lab de la science ouverte dédié au développement des “recherches sur la recherche”, et au lancement par l’Agence nationale de la recherche d’un appel à projet dédié.
10. Développer et valoriser les compétences de la science ouverte tout au long du parcours des étudiants et des personnels de la recherche
11. Valoriser la science ouverte et la diversité des productions scientifiques dans l’évaluation des chercheurs et enseignants-chercheurs, des projets et des établissements de recherche
12. Tripler le budget de la science ouverte en s’appuyant sur le Fonds national pour la science ouverte et le Programme d’investissements d’avenir
Reconnaître la science ouverte dans l’évaluation
Développer et reconnaître les compétences et métiers de la science ouverte
Engager les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche à se doter de politiques de science ouverte
Simplifier la vie des chercheurs grâce à la science ouverte
Participer à l’échelle européenne et internationale au paysage de la science ouverte
Développer le baromètre de la science ouverte comme outil de suivi, d’observation et de mesure de l’impact de la science ouverte
Développer la recherche sur la recherche pour faire progresser la science ouverte
Soutenir le développement de la science ouverte dans le domaine des études sur le climat, le système Terre et la biodiversité en lien avec la loi Climat
S’appuyer sur les infrastructures de recherche inscrites dans la feuille de route nationale pour transformer les pratiques et généraliser la science ouverte
Version imprimable : texte et page de couverture
References