La science ouverte est la diffusion sans entrave des résultats, des méthodes et des produits de la recherche scientifique. Elle s’appuie sur l’opportunité que représente la mutation numérique pour développer l’accès ouvert aux publications et – autant que possible – aux données, aux codes sources et aux méthodes de la recherche.

Deuxième Plan national pour la science ouverte

Généraliser la science ouverte en France

2021-2024

Introduction

La science ouverte est la diffusion sans entrave des résultats, des méthodes et des produits de la recherche scientifique. Elle s’appuie sur l’opportunité que représente la mutation numérique pour développer l’accès ouvert aux publications et – autant que possible – aux données, aux codes sources et aux méthodes de la recherche. Elle permet à la recherche financée sur fonds publics de conserver la maîtrise des résultats qu’elle produit. Elle construit un écosystème dans lequel la science est plus transparente, plus solidement étayée et  reproductible, plus efficace et cumulative. Elle induit une démocratisation de l’accès aux savoirs, utile à l’enseignement, à la formation, à l’économie, aux politiques publiques, aux citoyens et à la société dans son ensemble. Elle constitue enfin un levier pour l’intégrité scientifique et favorise la confiance des citoyens dans la science.

Le Plan national pour la science ouverte annoncé en 2018 par la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Frédérique Vidal, a permis à la France de se doter d’une politique cohérente et dynamique dans le domaine de la science ouverte, coordonnée par le Comité pour la science ouverte, qui associe le ministère, les établissements de recherche et d’enseignement supérieur et la communauté scientifique. A l’issue de trois années de mise en œuvre, les progrès réalisés sont notables. Le taux de publications scientifiques françaises en accès ouvert est passé de 41% à 56%. Le Fonds national pour la science ouverte a été créé, il a lancé deux appels à projets en faveur de la publication scientifique ouverte et il a soutenu des initiatives internationales structurantes. L’Agence nationale de la recherche et d’autres agences de financement demandent désormais l’accès ouvert aux publications et la rédaction de plans de gestion des données pour les projets qu’elles financent. La fonction d’administrateur ministériel des données de la recherche a été créée et un réseau est en cours de déploiement dans les établissements. Une vingtaine d’universités et d’organismes de recherche s’est dotée d’une politique de science ouverte. Plusieurs guides et recommandations pour mettre en pratique la science ouverte ont été publiés.

Les étapes déjà franchies et l’évolution du contexte international nous invitent à prolonger, renouveler et renforcer nos engagements en adoptant un deuxième Plan national pour la science ouverte, dont les effets se déploieront jusqu’en 2024. Avec ce nouveau plan, la France poursuit la trajectoire ambitieuse initiée par la loi pour une République numérique de 2016 et confirmée par la loi de programmation de la recherche de 2020, qui inscrit la science ouverte dans les missions des chercheurs et des enseignants-chercheurs.

Ce deuxième Plan national étend son périmètre aux codes sources issus de la recherche, il structure les actions en faveur de l’ouverture ou du partage des données à travers la création de la plateforme Recherche Data Gouv, il multiplie les leviers de transformation afin de généraliser les pratiques de science ouverte et il en présente des déclinaisons disciplinaires et thématiques. Il s’inscrit résolument dans une ambition européenne et propose, dans le cadre de la Présidence française de l’Union européenne, d’agir pour une prise en compte effective des pratiques de science ouverte dans les évaluations individuelles et collectives de la recherche. Il s’agit d’engager un processus de transformation durable afin de faire de la science ouverte la pratique commune et partagée, encouragée par l’ensemble de l’écosystème international de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

PREMIER AXE : GÉNÉRALISER L’ACCÈS OUVERT AUX PUBLICATIONS

L’ouverture des publications scientifiques doit désormais devenir une pratique incontournable, que ce soit par une publication nativement en accès ouvert ou par le dépôt dans une archive ouverte publique comme HAL. La loi de programmation de la re­cherche fixe l’objectif de 100% de publications en accès ouvert en 2030.
Les conditions posées par l’Agence nationale de la recherche et par l’Union européenne dans le cadre du programme Horizon Europe, y contribueront largement. L’obligation de publication en accès ouvert devra désormais être généralisée à l’ensemble des financements de la recherche par appels à projets sur fonds publics, aussi bien pour les livres que pour les articles scientifiques.

Depuis 2018, de nombreuses agences de financement de la recherche fédérées au sein de la cOAlition S ont mis en place, à travers le Plan S, un cadre commun les engageant à rendre obligatoire l’accès ouvert immédiat à toutes les publications issues des recherches qu’elles financent. Pour atteindre cet objectif, la cOAlition S a  défini la stratégie de non cession des droits, qui permet aux chercheurs de diffuser leurs textes en accès ouvert sans délai, y compris lorsqu’ils publient dans une revue sous abonnement. La France soutient cette nouvelle étape vers la réalisation des objectifs du Plan S.

Dans l’esprit de l’Appel de Jussieu pour la science ouverte et la bibliodiversité, la communauté scientifique doit œuvrer à la construction d’un écosystème de la publication scientifique ouvert, éthique et transparent, impliquant une pluralité d’acteurs éditoriaux, de formats et de langues de communication. La diversification des modèles économiques de l’édition scientifique ouverte est un enjeu particulièrement aigu, alors que les risques associés au modèle des frais de publication, en termes de charge budgétaire, de creusement des inégalités entre institutions ou disciplines, et de course à la quantité, sont de mieux en mieux perçus.

Or nous savons que 75% des revues en accès ouvert sont des revues dites « diamant », pilotées par la communauté scientifique et dont le financement ne repose ni sur un paiement des auteurs, ni sur une contribution obligatoire des lecteurs, mais est pris en charge en amont par un État, une université, un consortium d’établissements publics ou une organisation à but non lucratif. La récente étude OA Diamond Journals Study réalisée à la demande de la cOAlition S a révélé l’ampleur et le caractère stratégique de ces revues et formulé des recommandations que la France soutiendra et mettra en œuvre. Les structures d’édition scientifiques publiques, attachées aux universités ou aux organismes de recherche, seront renforcées, modernisées, et devront allier leurs forces pour réussir leur transition vers l’accès ouvert. L’archive ouverte HAL continuera à jouer un rôle central et sera améliorée du point de vue ergonomique et fonctionnel pour simplifier son appropriation par les chercheurs et par les institutions.

Tandis que l’Initiative d’Helskinki sur le multilinguisme de la production savante a affirmé l’importance des langues natives pour garantir l’ancrage social des savoirs scientifiques et la pluralité des systèmes de pensée, les barrières linguistiques entravent la circulation internationale des connaissances, tout aussi essentielle. Or les progrès spectaculaires des technologies de la traduction appuyées sur l’intelligence artificielle devraient nous permettre de dépasser cette contradiction. Un soutien sera apporté à l’expérimentation d’outils et de services de traduction de textes scientifiques, afin de favoriser le rayonnement international de la production scientifique en langue française et de faciliter la diffusion des productions scientifiques en langues étrangères auprès des publics francophones.

MESURES

1. Généraliser l’obligation de publication en accès ouvert des articles et livres issus de recherches financées par appel à projets sur fonds publics.

2. Soutenir des modèles économiques d’édition en accès ouvert sans frais de publication pour les auteurs (modèle « diamant »).

3. Favoriser le multilinguisme et la circulation des savoirs scientifiques par la traduction des publications des chercheurs français.

 

Poursuivre le développement de l’archive ouverte nationale HAL

  • Simplifier le dépôt dans HAL pour les chercheurs qui publient sur d’autres plateformes en accès ouvert dans le monde (projet CorHAL).
  • Mettre en œuvre le modèle de gouvernance partagée et de financement pérenne de HAL votés par le Comité de pilotage de la science ouverte.
  • Développer le service intégré d’auto-archivage, de collecte automatisée de publications et d’articulation avec les données de la recherche (projet porté par HAL, lauréat de l’appel à manifestation d’intérêt Equipements structurants pour la recherche du Programme d’investissements d’avenir – PIA).

Construire la bibliodiversité

  • Confirmer l’adhésion française à la cOAlition S, soutenir la stratégie de non cession des droits pour permettre l’accès ouvert immédiat aux publications scientifiques et faciliter sa mise en œuvre pour les chercheurs. Inviter les établissements et organismes de recherche à adopter cette stratégie dans le cadre de leurs négociations avec les éditeurs.
  • Soutenir la diversification des modèles économiques permettant la transition de l’abonnement vers l’accès ouvert sans frais de publication, notamment le modèle  « s’abonner pour ouvrir » (« subscribe to open »).
  • En cas de frais de publication, les réserver aux publications entièrement en accès ouvert et les refuser pour les revues hybrides.
  • Créer des badges de la science ouverte permettant de qualifier les modalités d’évaluation des publications en accès ouvert, de valoriser leur enrichissement par les données et les codes associés, et d’afficher leurs licences d’utilisation.
  • Développer et soutenir des innovations éditoriales : prépublications, évaluation ouverte par les pairs, articles exécutables (Jupyter notebooks), articles de données (data papers), overlay journals, etc.

Favoriser le rayonnement des publications issues de la recherche française

  • Développer des outils au service du multilinguisme en s’appuyant sur la traduction semi-automatique et les expertises linguistiques et disciplinaires. Proposer un appel de recherche international sur la traduction automatique dans le cadre des European Research Area Network.
  • En partenariat avec Wikimedia France, inciter à l’utilisation des résultats de la recherche française dans l’encyclopédie collaborative mondiale Wikipédia.

Structurer, soutenir et moderniser l’édition scientifique française

  • Mettre en place un plan de soutien à l’édition scientifique, conformément à l’engagement de la loi de programmation recherche.
  • Créer une alliance des éditeurs scientifiques publics engagés dans la science ouverte afin de promouvoir leur rôle, de coordonner leurs initiatives et de favoriser les mutualisations quand elles sont possibles.
  • Développer et soutenir un organe public de diffusion-distribution des livres, imprimés ou numériques, pour accroître leur visibilité en librairie.
  • Créer un Observatoire de l’édition scientifique qui associera les acteurs de l’édition scientifique publique et privée, de la recherche et de l’information scientifique.
  • Soutenir l’édition structurée multisupports, en XML, notamment à travers METOPES, Lodel et Public Knowledge Project, explorer les possibilités d’accès mutualisé à des services  de détection de plagiat et de suivi des soumissions de manuscrits (workflow éditorial).

Soutenir la science ouverte en Sciences humaines et sociales

  • Soutenir l’édition d’ouvrages en accès ouvert à travers le Fonds national pour la science ouverte
  • Mettre en œuvre un dispositif de licence collective étendue pour l’utilisation d’images protégées par le droit d’auteur dans des publications scientifiques en accès ouvert et dans un cadre non lucratif (article 28 de la loi de programmation de la recherche)
  • Soutenir les infrastructures nationales de recherche en sciences humaines et sociales et développer une offre de services liant données et publications en sciences humaines et sociales appuyée sur OpenEdition, Huma-Num et METOPES (projet lauréat de l’appel à manifestation d’intérêt Equipements structurants pour la recherche du PIA)

DEUXIÈME AXE : STRUCTURER, PARTAGER ET OUVRIR LES DONNÉES DE LA RECHERCHE

Notre ambition est de faire en sorte que les données produites par la recherche publique française soient progressivement structurées en conformité avec les principes FAIR (faciles à trouver, accessibles, interopérables, réutilisables), préservées et, quand cela est possible, ouvertes.

L’obligation d’ouverture des données de la recherche publique, posée par la loi pour une République numérique de 2016 doit désormais se traduire dans les pratiques scientifiques grâce à des infrastructures et des services d’accompagnement adaptés. Elle est limitée par les exceptions légitimes encadrées par la loi, par exemple en ce qui concerne le secret professionnel, les secrets industriels et commerciaux, les données personnelles ou les contenus protégés par le droit d’auteur. Dans ces cas, les pratiques de partage des données devront être favorisées à travers la définition de protocoles maîtrisés.

Afin de mettre en œuvre la politique nationale relative aux données, algorithmes et codes sources demandée par le Premier ministre [1]Voir Circulaire du premier Ministre du 27 avril 2021., l’administrateur ministériel des données, algorithmes et des sources animera un réseau d’administrateurs au sein des gouvernances des établissements de recherche et d’enseignement supérieur. Grâce à leurs actions coordonnées, les données, les codes sources et les algorithmes de la recherche publique française seront produits, préservés, référencés, décrits et valorisés sous licences libres.

Pour engager tous les domaines de recherche dans des pratiques actives d’ouverture de données, Recherche Data Gouv sera créée. Recherche Data Gouv offrira un entrepôt de données pluridisciplinaires qui viendra compléter les infrastructures nationales et européennes déjà utilisées par certaines communautés disciplinaires. Elle proposera un catalogue signalant les données déposées sur d’autres entrepôts de confiance, et constituera ainsi à terme le point de visibilité de l’ensemble des données de la recherche française. L’entrepôt et le catalogue seront confiés à INRAE avec l’appui d’autres établissements et placés au service de la com­munauté scientifique nationale. Pour accompagner et conseiller les chercheurs tout au long du cycle de vie des données, des “ateliers de la donnée” réunissant une large palette de métiers seront structurés sur tout le territoire et des centres de référence thématiques concevront et diffuseront les référentiels et bonnes pratiques thématiques et disciplinaires. Fondée sur une gouvernance partagée par les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche français, Recherche Data Gouv garantira à la communauté scientifique la souveraineté sur les données qu’elle produit.

Gérer, préserver, ouvrir ou partager les données sont autant d’actions qui bénéficient aux progrès de la recherche scientifique. Elles permettent de mutualiser les efforts de collecte des données au sein de la communauté scientifique, de consolider et de multiplier les résultats issus de leur exploitation. Dans cette perspective, les pratiques favorisant la réutilisation des données de recherche seront encouragées, grâce à la création d’un prix récompensant les équipes qui mènent un travail exemplaire dans ce domaine.

La France continuera à apporter son soutien à la Research Data Alliance (RDA), réseau international définissant les bonnes pratiques dans le domaine des données de la recherche.

MESURES

4. Mettre en œuvre l’obligation de diffusion des données de recherche financées sur fonds publics.

5. Créer Recherche Data Gouv, la plateforme nationale fédérée des données de la recherche.

6. Promouvoir l’adoption d’une politique de données sur l’ensemble du cycle des données de la recherche, pour les rendre faciles à trouver, accessibles, interopérables et réutilisables (FAIR).

Développer et structurer les offres d’accompagnement et les outils à disposition des chercheurs

  • Créer Recherche Data Gouv qui proposera une offre souveraine et certifiée (Core trust seal) de dépôt et de signalement des données de recherche ainsi qu’une offre d’accompagnement des chercheurs, à travers :
    • un réseau territorial d’“ateliers de la donnée” labellisés, mobilisant une large palette de compétences et de métiers pour un accompagnement de proximité ;
    • des centres de référence thématiques qui définissent les pratiques de gestion, de description et d’ouverture des données propres à une discipline ou un domaine de recherche.
  • Généraliser la définition et la mise en œuvre effective des plans de gestion des données, qui garantissent la préservation économe, l’ouverture ou le partage de données documentées, en créant les conditions de leur réutilisation et de leur valorisation.
  • Mettre en œuvre les recommandations du Comité international des rédacteurs de revues médicales (ICMJE) en développant les déclarations de partage des données (Data Sharing Statement), qui exposent publiquement les conditions et procédures d’accès aux données qui ne peuvent pas être ouvertes.
  • Poursuivre le processus de certification (Core trust seal) des entrepôts de données.
  • Accompagner la transposition de la directive européenne sur le droit d’auteur en matière de fouille de texte et de données (TDM) afin de favoriser l’émergence de nouvelles connaissances.

Reconnaître et amplifier la réutilisation des données de la recherche

  • Encourager les bonnes pratiques en matière de citations des données.
  • Remettre annuellement un prix des données de la recherche pour récompenser les équipes et projets exemplaires en termes de préparation à la réutilisation ou de réutilisation des données de recherche.
  • Suivre la dynamique d’ouverture des jeux de données associés aux publications et déposés dans une sélection d’entrepôts grâce au baromètre de la science ouverte
  • Proposer un appel à projets européen sur la réutilisation des données de la recherche dans le cadre des European Research Area Network.

Coordonner et promouvoir la politique d’ouverture des données

  • Déployer une politique et une fonction de gouvernance des données de la recherche grâce au réseau des administrateurs des données, des algorithmes et des codes sources dans les établissements d’enseignement supérieur et de recherche.
  • Développer une démarche proactive d’ouverture des données associées aux articles et publications sur des entrepôts de confiance thématiques ou sur Recherche Data Gouv.
  • Dans le cadre du soutien public aux plateformes d’édition scientifique et aux archives ouvertes, encourager leur articulation avec Recherche Data Gouv.

Favoriser l’inscription des études sur la Santé dans la science ouverte

  • Réduire le biais de publication, qui est la tendance à ne publier que les études ayant obtenu un résultat positif, au détriment des résultats peu concluants ou négatifs.
    • Proposer une évolution des règles nationales, européennes et internationales afin de rendre obligatoire la déclaration de toute collecte prospective de données individuelles en biologie-santé, pour les essais cliniques (y compris non-médicamenteux) et les études observationnelles.
    • Développer un portail de déclaration interopérable avec les solutions européennes et internationales, en réduisant la charge administrative par une déclaration unique. Ce portail favorisera les déclarations de partage de données, la réutilisation des données et la publication des résultats négatifs.
  • Dans le cadre du Plan France Médecine Génomique 2025, mettre en place un outil de collecte, de traitement, et d’exploitation de gros volumes de données (CAD – collecteur analyseur des données) au service du soin et de la recherche.
  • En réaction à la pandémie de coronavirus, généraliser l’ouverture des résultats du programme EMERGEN, qui vise à intensifier le séquençage des variants du virus sur le territoire national.

TROISIÈME AXE : OUVRIR ET PROMOUVOIR LES CODES SOURCES PRODUITS PAR LA RECHERCHE

Le logiciel joue un rôle clé dans la recherche scientifique, dont il est à la fois un outil, un résultat et un objet d’étude. La mise à disposition des codes sources des logiciels, avec la possibilité de les modifier, les réutiliser et les diffuser, est un enjeu majeur pour permettre la reproductibilité des résultats scientifiques et soutenir le partage et la création de connaissances, dans une logique de science ouverte.

Afin de mettre en œuvre la politique nationale relative aux données, algorithmes et codes sources demandée par le Premier ministre [2]Voir la circulaire du premier Ministre du 27 avril 2021., notre ambition est que les codes sources et les logiciels produits par la recherche publique française soient développés et maintenus de façon durable, préservés et valorisés. Dans cette perspective, la fonction d’administrateur des données de la recherche du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation s’élargit aux algorithmes et aux codes sources de la recherche.

La complexité des piles logicielles scientifiques – qui combinent parfois des centaines de logiciels représentant des millions, voire des dizaines de millions de lignes de code – requiert une mutualisation des efforts de développement à l’échelle de la communauté scientifique internationale au sens large : académique, industrielle ou citoyenne. Cet élan est aujourd’hui un levier essentiel de la recherche et de l’innovation. Aussi, la diffusion des productions logicielles comme logiciels libres, c’est-à-dire publiés sous l’une des licences reconnues libres par la Free Software Foundation et l’Open Source Initiative, sera privilégiée dans le respect des contraintes légales.

La France soutiendra le développement et la conservation des codes sources, support indissociable des connaissances techniques et scientifiques de l’humanité, et poursuivra dans cette optique son soutien à l’archive universelle Software Heritage. Afin de créer un écosystème reliant codes, données et publications, la collaboration sera renforcée entre l’archive ouverte nationale HAL, la plateforme nationale des données de la recherche Recherche Data Gouv, le secteur de l’édition scientifique et Software Heritage.

Afin d’accroître la visibilité et la reconnaissance des logiciels comme contribution à la recherche, un catalogue de ces productions sera réalisé et rendu largement accessible. Un prix du logiciel libre de la recherche sera créé afin de mettre en valeur et récompenser les équipes qui réalisent un travail exemplaire dans ce domaine.

Afin de faciliter la coordination des communautés du logiciel libre à l’échelle nationale et internationale, un Collège des codes sources et des logiciels sera créé au sein du Comité pour la science ouverte, des liaisons seront établies avec la mission logiciels libres portée par la Direction interministérielle du numérique (DINUM), avec l’European Open Science Cloud (EOSC), la Resaerch Data Alliance (RDA), la Research Sotware Alliance et FORCE 11.

MESURES

7. Valoriser et soutenir la diffusion sous licence libre des codes sources issus de recherches financées sur fonds publics

8. Mettre en valeur la production des codes sources de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

9. Définir et promouvoir une politique en matière de logiciels libres

 

Définir et promouvoir une politique en matière de logiciels libres

  • Établir une Charte nationale des logiciels libres issus de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
  • Développer le lien entre données et logiciels grâce au réseau des administrateurs des données, des algorithmes et des codes sources dans les établissements.
  • Émettre des recommandations auprès des organismes financeurs pour accompagner au mieux le développement logiciel.
  • Faire monter en compétence les structures de valorisation sur les modèles économiques associés à la production de logiciels libres.
  • Soutenir Software Heritage et recommander son adoption pour l’archivage et le référencement des codes sources.

Reconnaître les codes sources comme une contribution à la recherche

  • Créer un prix du logiciel libre pour la recherche qui récompense les équipes et projets exemplaires dans le domaine.
  • Mieux valoriser les productions logicielles dans la carrière des chercheurs, des personnels d’accompagnement à la recherche et dans l’évaluation des structures de recherche.
  • Suivre dans le temps la production de codes et logiciels de la recherche française pour en identifier les dynamiques, l’ouverture et les impacts grâce au baromètre de la science ouverte.
  • Construire un catalogue des logiciels issus de la recherche en utilisant un schéma de métadonnées normalisé et partagé entre tous les acteurs de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Coordonner les communautés de pratiques sur les codes sources et le logiciel libre

  • Créer un Collège des codes sources et des logiciels au sein du Comité pour la science ouverte.
  • Établir une liaison pérenne entre le Comité pour la science ouverte et la mission logiciels libres de la Direction interministérielle du numérique (DINUM).
  • Établir une liaison avec les acteurs nationaux et internationaux, en particulier le groupe de travail « logiciels » de l’EOSC (European Open Science Cloud), le groupe de travail FAIR for Research Software commun à la RDA, à FORCE11 et à la Research Software Alliance – ReSA.

Construire un écosystème reliant codes, données et publications

  • Dans le cadre du soutien public aux revues et actes de conférences, recommander l’adoption d’une politique de logiciels libres associés aux articles, le développement d’articles sur les logiciels et l’expérimentation d’approches qui lient articles, données et codes.
  • Développer une bonne articulation entre les forges logicielles, les archives ouvertes de publications, les entrepôts de données et le secteur de l’édition scientifique.
  • Proposer la standardisation du Software Heritage Identifier (SWHID), qui complètera les DOI pour les logiciels.

Favoriser les croisements entre science ouverte et Intelligence artificielle

  • Pour prédire et évaluer l’évolution de la biodiversité sous contrainte du changement climatique et/ou des activités anthropiques, soutenir le challenge ANR « Recherche en intelligence artificielle dans le champ de la biodiversité » en fournissant à tous les projets de recherche participants des jeux de données communs.
  • Alimenter ou construire des bases d’apprentissage pour la traduction automatique de textes scientifiques.
  • Soutenir la création d’un centre de référence en pathologie digitale pour stimuler l’innovation en intelligence artificielle en pathologie dans le cadre d’un challenge.

QUATRIÈME AXE : TRANSFORMER LES PRATIQUES POUR FAIRE DE LA SCIENCE OUVERTE LE PRINCIPE PAR DÉFAUT

La science ouverte doit devenir la pratique par défaut des chercheurs et constituer un critère d’excellence de la recherche, comme c’est désormais le cas dans le programme Horizon Europe. Pour cela, il est nécessaire de transformer l’écosystème de l’enseignement supérieur et de la recherche, afin de faire converger les incitations, de renforcer les capacités et de reconnaître les efforts.

Inscrire ces pratiques dans la durée nécessite de faire évoluer le système d’évaluation des chercheurs, des laboratoires et des établissements pour le mettre en cohérence avec les principes de la science ouverte. Dans l’esprit de la Déclaration de San Francisco sur l’évaluation de la recherche (DORA) et du Manifeste de Leiden pour la mesure de la recherche, cela implique de réduire la dimension quantitative au profit d’une approche plus qualitative, de prendre en compte, au-delà des publications, la pluralité des résultats de la recherche, de faire un usage raisonné des indicateurs et de récompenser la coopération et l’ouverture plus que la compétition et le secret. Dans le cadre de la Présidence française de l’Union européenne, la France proposera la tenue d’un événement européen en faveur de la science ouverte à l’Académie des sciences (Paris) et invitera à la création d’une coalition d’acteurs de la recherche européenne qui s’engageront à mettre en œuvre des transformations opérationnelles, réciproques et lisibles dans leurs pratiques d’évaluation.

Pour transformer les pratiques quotidiennes, la science ouverte devrait être présente tout au long du parcours de formation à la recherche, depuis la licence jusqu’au chercheurs confirmés, avec un accent sur l’étape stratégique du doctorat. La gestion et l’ouverture des données de recherche appelle de nouvelles compétences et fait émerger de nouveaux métiers qu’il importe de développer, de reconnaître et de valoriser.

L’alignement des politiques d’évaluation et de formation permettra de réduire les injonctions contradictoires auxquelles ont pu être soumis les chercheurs, afin que les bénéfices de la science ouverte soient pleinement perçus. Dans cette perspective, l’accès des chercheurs aux données publiques et aux données privées d’intérêt général sera facilité, en particulier grâce à la création d’un médiateur des données d’intérêt général. L’adoption des licences libres pour les données, les publications et les codes source libèrera la circulation des résultats scientifiques et la généralisation de l’identifiant ORCID pour les chercheurs consolidera leur identité numérique et la visibilité de leurs travaux.

Pour répondre aux objectifs ambitieux de ce nouveau plan, les politiques de science ouverte devront être renforcées et amplifiées. Le Fonds national pour la science ouverte sera pérennisé et son champ d’intervention encore élargi. Nous proposerons qu’un financement issu du PIA permette d’intensifier et de diversifier son action. L’engagement affirmé des établissements et organismes de recherche dans la formalisation et la mise en œuvre de politiques de science ouverte permettra leur déploiement territorial. En parallèle, la France renforcera sa présence dans les instances internationales de la science ouverte, en particulier au sein de l’EOSC, pour y défendre la structuration d’un écosystème efficace, régulé, transparent et résilient, se plaçant au service de la communauté scientifique et de la société.

Enfin, les politiques de science ouverte devront être mieux suivies et leurs impacts mesurés grâce à la consolidation du baromètre de la science ouverte et son élargissement à de nouveaux objets. Ces politiques se nourriront des apports de la recherche, grâce à la création d’un Lab de la science ouverte dédié au développement des “recherches sur la recherche”, et au lancement par l’Agence nationale de la recherche d’un appel à projet dédié.

MESURES

10. Développer et valoriser les compétences de la science ouverte tout au long du parcours des étudiants et des personnels de la recherche

11. Valoriser la science ouverte et la diversité des productions scientifiques dans l’évaluation des chercheurs et enseignants-chercheurs, des projets et des établissements de recherche

12. Tripler le budget de la science ouverte en s’appuyant sur le Fonds national pour la science ouverte et le Programme d’investissements d’avenir

Reconnaître la science ouverte dans l’évaluation

  • Dans le cadre de la Présidence française de l’Union européenne, organiser des Journées européennes de la science ouverte à l’Académie des sciences à Paris. Elles proposeront la création d’une coalition internationale dédiée à la prise en compte de la science ouverte dans l’évaluation des chercheurs, des projets et des institutions de recherche. Elles mettront aussi l’accent sur l’accès ouvert sans frais de publication et sur l’importance des codes sources dans la science ouverte.
  • Inscrire les principes et bonnes pratiques de la science ouverte dans les référentiels du Hcéres et renforcer la coopération entre le Hcéres et le Comité pour la science ouverte.
  • Réduire l’influence du facteur d’impact des revues, en commençant par supprimer toutes les références à cet indicateur et au H-index dans les textes d’appels à projet et les formulaires de candidature.
  • Encourager les comités éditoriaux des revues et des éditeurs scientifiques à demander la communication des données et codes associés aux textes soumis, à les prendre en compte dans les procédures d’évaluation et à rendre publique leur politique de données et de codes associés aux publications.
  • Promouvoir l’utilisation des CV narratifs pour réduire l’emprise de l’évaluation quantitative au profit de l’évaluation qualitative, et expérimenter un « profil d’ouverture » (“openness profile”) sur ORCID.

Développer  et reconnaître les compétences et métiers de la science ouverte

  • Considérer la littératie des données (data literacy) comme un ensemble de compétences incontournables et développer des offres de formations diplômantes initiales et continues en science et ingénierie des données en s’appuyant sur les initiatives de formations diplômantes existantes.
  • Encourager le développement d’unités d’enseignement ou de parcours de formation en science ouverte aux niveaux licence et master et renforcer la formation à la science ouverte pour les doctorants, en définissant un référentiel des formations à la science ouverte pour les écoles doctorales, en créant un prix de thèse science ouverte, en déclinant le Passeport pour la science ouverte.
  • Élargir la sensibilisation et la formation à la science ouverte aux chercheurs et enseignants-chercheurs confirmés.
  • Accompagner l’évolution des compétences et des carrières des personnels de la recherche, notamment en valorisant les compétences et les métiers liés à la gestion du cycle de vie des données et au développement de codes sources.
  • Introduire dans le référentiel de compétences des chercheurs, enseignants-chercheurs, ingénieurs et techniciens de recherche un sous-ensemble de compétences en lien avec la science ouverte.

Engager les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche à se doter de politiques de science ouverte

  • Engager les universités, les organismes de recherche, les grandes écoles et écoles d’ingénieurs, à se doter de plans pour la science ouverte, rendus publics et supervisés.
  • Engager ces acteurs, ainsi que les infrastructures nationales de recherche, les IDEX, les I-SITE, les universités européennes et les projets financés par le PIA à demander l’ouverture des publications, des données et des codes sources et à proposer un accompagnement aux chercheurs dans ces domaines.
  • Engager les établissements et organismes de recherche qui ont signé DORA à en informer activement leurs comités d’évaluation et les accompagner dans la mise en oeuvre effective des principes adoptés.
  • Recommander l’adoption de licences libres pour les productions de la recherche, la licence ouverte (française), une des licences Creative Commons (internationale) ou des licences libres dédiées aux logiciels, afin de favoriser la réutilisation et de protéger la paternité des publications, données et des codes sources.
  • Créer un groupe de travail sur les recherches participatives au sein du Comité pour la science ouverte
  • Engager les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche dans un travail commun sur les ressources éducatives libres pour les rendre plus visibles, mieux les partager et favoriser leur réutilisation.

Simplifier la vie des chercheurs grâce à la science ouverte

  • Dans le cadre de la politique nationale relative aux données, algorithmes et codes sources demandée par le Premier ministre, accélérer l’accès des chercheurs aux données publiques et créer une fonction de mé­diateur pour faciliter leur accès aux données privées d’intérêt général. Cela permettra notamment de renforcer la contribution des chercheurs à l’élaboration et l’évaluation des politiques publiques.
  • Promouvoir l’adoption de l’identifiant ORCID par les chercheurs, afin de consolider leur identité numérique, la visibilité de leurs travaux et proposer l’alimentation des systèmes d’information de la recherche par les données issues d’ORCID pour éviter les doubles saisies.
  • Enrichir ScanR, moteur de la recherche et de l’innovation qui rassemble des données des laboratoires, des auteurs de travaux de recherche, des financements publics et des entreprises.

Participer à l’échelle européenne et internationale au paysage de la science ouverte

  • S’assurer que des solutions souveraines existent pour permettre aux acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche de conserver la maîtrise des services à la science ouverte pour les publications, les données, les codes sources, les vidéos, les ressources éducatives libres, etc.
  • Participer à la gouvernance des standards de métadonnées et d’identifiants uniques des objets et acteurs de la recherche (Crossref, Datacite, ORCID, ROR, etc.) et à la gouvernance des services de la science ouverte (Directory of Open Acccess Journals, Directory of Open Access Books, OPERAS, etc.)
  • Favoriser la création d’un écosystème ouvert de la citation comme alternative aux environnements propriétaires en soutenant l’Initiative for Open Citations et le projet OpenAlex porté par OurResearch.
  • Créer la fonction de coordinateur national de la science ouverte et un réseau des coordinateurs nationaux de la science ouverte, le Council of national open science coordination (CoNOSC).
  • Poursuivre la structuration de la communauté française pour contribuer à l’EOSC : promouvoir l’adhésion à l’EOSC des organismes et établissements de recherche français, animer la communauté des acteurs français de l’EOSC, organiser un événement annuel EOSC-France.
  • Favoriser activement l’inscription des services français de la science ouverte dans le catalogue de services de l’EOSC.
  • Inscrire dans le Partenariat pour un gouvernement ouvert des engagements en faveur de la science ouverte (Open government Partnership – OGP).

Développer le baromètre de la science ouverte comme outil de suivi, d’observation et de mesure de l’impact de la science ouverte

  • Pérenniser et étoffer le Baromètre de la science ouverte (BSO) en introduisant de nouveaux indicateurs au-delà des publications :
    • Pour le suivi de la déclaration des études en santé, notamment des essais cliniques;
    • Pour le suivi de l’ouverture des données et des codes sources;
    • Pour le suivi des déclarations de partage des données (data sharing statements);
    • Pour le suivi des usages de la science ouverte par la société;
    • Pour le suivi des politiques de science ouverte des établissements, idéalement à l’échelle de l’Union européenne;
    • Pour le suivi de l’accessibilité pour les personnes en situation de handicap des plateformes de publications scientifiques françaises;
    • Pour le suivi des frais de publication pour les articles et pour les livres.

Développer la recherche sur la recherche pour faire progresser la science ouverte

  • Créer un Lab de la science ouverte dédié au développement des recherches sur la recherche, dans le but d’informer et d’orienter les politiques de science ouverte et de favoriser leurs déclinaisons disciplinaires. Le Lab de la science ouverte pourrait s’inscrire dans un Open Science Observatory à créer à l’échelle internationale.
  • Proposer à l’ANR de lancer annuellement des appels à projet de recherche sur la recherche dans une optique de science ouverte.

Soutenir le développement de la science ouverte dans le domaine des études sur le climat, le système Terre et la biodiversité en lien avec la loi Climat

  • S’appuyer sur les recommandations de la mission “observation des milieux et systèmes naturels” qui seront validées, pour renforcer les services à la recherche, comme les services d’intégration des données de long terme et des modèles qui en découlent.
  • Pour accélérer et renforcer les études sur le climat et le système Terre, amplifier le développement du référentiel des pratiques de préservation et de description des données de ces domaines et généraliser leur référencement dans les infrastructures de recherche de la feuille de route nationale ou dans Recherche Data Gouv.
  • Soutenir l’alignement des jeux de données et leur interopérabilité pour constituer de grands jeux de données de référence par domaine. Il s’agit de favoriser le dialogue entre domaines scientifiques pour faciliter les approches écosystémiques intégrées, par exemple pour l’étude des interactions océan/atmosphère ou atmosphère/surfaces continentales.

 

S’appuyer sur les infrastructures de recherche inscrites dans la feuille de route nationale pour transformer les pratiques et généraliser la science ouverte

  • Inviter les infrastructures à inscrire dans leurs conditions d’accès les principes d’ouverture des publications et d’ouverture par défaut des données et des codes sources.
  • Inviter les infrastructures à formaliser leur politique de science ouverte en rendant public un document stratégique, et à mettre en œuvre de manière effective les principes FAIR et les plans de gestion de données, par et pour leurs utilisateurs.
  • Doter chaque infrastructure d’un identifiant unique (funder ID) que les chercheurs seront appelés à mentionner dans les publications, codes et données produits grâce à cette infrastructure.
  • Encourager les tutelles des infrastructures dans une politique de recrutement de métiers chargés du traitement, de la qualité, de la description et de la préservation des données.
  • Mobiliser les infrastructures pour constituer et porter les grands jeux de référence ainsi que les référentiels de pratiques disciplinaires et thématiques de préservation, de description et de référencement des données de recherche.
  • Mettre en œuvre les projets lauréats de l’appel à manifestation d’intérêt Equipements structurants pour la recherche du PIA qui renforcent le développement d’infrastructures, plateformes et services de données thématiques.

 


 

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