L’objectif de ces principes est de promouvoir le Libre accès en facilitant la compréhension de toutes les questions pertinentes qui se posent en la matière. Ils n’ont pas un caractère prescriptif, mais ont valeur de propositions, propres à faciliter une prise de décision éclairée pour l’adoption d’une politique de Libre accès par les États.

Principes directeurs de l’UNESCO pour le développement et la promotion du libre accès

par Alma Swan, spécialiste reconnue de la communication entre chercheurs, directrice de Key Perspectives Ltd (Royaume-Uni).

Résumé

Les présents Principes directeurs retracent l’historique du Libre accès, expliquent pourquoi cette pratique est importante et souhaitable, comment l’appliquer et comment concevoir une politique efficace en la matière.

Le Libre accès (ou accès ouvert) est une façon nouvelle de diffuser les informations issues de la recherche, grâce au World Wide Web. Les bases de ce concept peuvent être résumées comme suit :

◾ Le Web offre de nouvelles possibilités de mettre sur pied un système optimal de communication des travaux scientifiques – une base de données accessible à tous et présentant toutes les conditions requises en matière de connectivité, d’interopérabilité et d’exploitabilité ;

◾ Les chercheurs tirent parti de ces possibilités   en place des moyens d’accéder librement à la littérature proprement dite et de communiquer de manière plus informelle ;

◾ La conservation de cette masse croissante d’informations en Libre accès représente un enjeu majeur ;

◾ La reconnaissance et l’utilisation de la littérature en Libre accès exigent de nouveaux services qui répondent aux besoins des scientifiques et des gestionnaires de la recherche ;

◾ Il existe déjà des définitions satisfaisantes, fonctionnelles et validées par la pratique du Libre accès, sur lesquelles peut s’appuyer la formulation d’une politique ;

◾ On distingue deux types de Libre accès – d’une part, gratuit et d’autre part, sans restriction sur les usages– ce qui a des incidences sur la formulation d’une politique ;

◾ Sur le plan pratique, la communauté des chercheurs a consacré deux modes de construction du Libre accès (« green route » ou voie verte, et « gold route » ou voie dorée) ;

◾ Initialement, le Libre accès s’appliquait pour l’essentiel aux travaux publiés dans les revues scientifiques (y compris les actes de conférences validés par les pairs).A cela peuvent s’ajouter avec profit les mémoires de master et les thèses. Aujourd’hui, le concept est également étendu aux données et livres issus de la recherche.

Il existe déjà une infrastructure bien développée pour permettre le Libre accès, bien que beaucoup plus avancée dans certaines disciplines que dans d’autres, du fait de l’évolution des normes culturelles. Le Libre accès s’opère selon deux grandes voies :

◾ Les revues en Libre accès – la « voie dorée » -fonctionnent particulièrement bien dans certaines disciplines, également au sein de certaines communautés géographiques ;

◾ La « voie verte », qui utilise des formes diverses d’archives ouvertes ou dépôts, permet de collecter plus rapidement un matériel plus abondant, à condition que des mesures favorables soient mises en place.

En outre, de nombreux éditeurs offrent un Libre accès« hybride » : celui-ci consiste à proposer en Libre accès, contre acquittement d’un droit de consultation, un unique article d’une revue, appliquant par ailleurs le principe de l’abonnement. Parfois, encore que rarement l’éditeur utilise les revenus supplémentaires tirés des articles publiés en Libre accès pour réduire le cout de l’abonnement en ligne. La pratique consistant à engranger des recettes supplémentaires tout en faisant payer la consultation en Libre accès sans pour autant réduire les tarifs d’abonnement est appelée « double dipping » (double prélèvement).

L’importance du Libre accès tient à un certain nombre de facteurs :

◾ L’accessibilité de l’information scientifique est partout problématique ;

◾ Le degré de Libre accès varie selon les disciplines, et certaines d’entre elles accusent un retard considérable, ce qui confère une urgence accrue aux efforts pour amplifier le mouvement ;

◾ Les problèmes d’accès sont particulièrement important dans les pays en développement, émergents ou en phase de transition ;

◾ Il existe des mécanismes pour atténuer ces problèmes dans les pays les plus pauvres, toutefois l’accès qu’il procure ne consiste pas en du Libre accès : ils ne sont pas permanents, ne permettent d’accéder qu’a une fraction de la littérature, et ne rendent pas celle-ci accessible à tous, mais seulement à certaines institutions ;

◾ A l’accès libre viennent aujourd’hui s’ajouter d’autres concepts qui participent d’une tendance plus générale, comme les concepts de Ressources éducatives libres (REL), de Science ouverte, d’Innovation ouverte et de données ouvertes (OpenData) ;

◾ Certaines initiatives visant à améliorer l’accès ne relèvent pas du Libre accès et doivent en être clairement distinguées, en tant que pratiques différentes.

Les avantages du Libre accès peuvent être résumés comme suit :

◾ Le Libre accès accroît la rapidité, l’efficacité et l’efficience de la recherche ;

◾ Le Libre accès favorise l’interdisciplinarité dans la recherche ;

◾ Le Libre accès permet le traitement informatisé de la littérature issue de la recherche ;

◾ Le Libre accès accroît la visibilité, l’usage et l’impact de la recherche ;

◾ Le Libre accès permet aux communautés de professionnels, de praticiens et d’entrepreneurs, des journalistes ainsi qu’au public intéressé, de bénéficier de la recherche

Au fur et à mesure du développement du Libre accès, de nouveaux modèles économiques sont apparus – pour la publication des revues, les dépôts en Libre accès, l’édition et les services créés pour répondre aux besoins nouveaux et fournir les processus et les systèmes indispensables aux nouveaux modes de diffusion.

La diffusion des travaux de recherche dépend du consentement du titulaire des droits, lesquels peuvent être utilisés pour favoriser le Libre accès ou s’y opposer.

Le droit d’auteur recouvre tout un ensemble de droits : l’auteur d’un article publié dans une revue cède en général la totalité de ces droits à l’éditeur, même si cela n’est en principe pas obligatoire.

L’auteur (ou son employeur ou ses commanditaires) peut conserver les droits qui lui permettent de donner Libre accès à son œuvre, en accordant à l’éditeur de la revue le droit (éventuellement exclusif) de publier cette œuvre. Il est préférable de réserver ses droits de diffusion en Libre accès, plutôt que de demander une autorisation postérieurement à la publication.

Protéger une œuvre scientifique par une licence en bonne et due forme est une pratique avisée, car chacun est ainsi informé des usages – humains ou par machine – qui en sont autorisés, ce qui peut encourager l’utilisation de l’œuvre. Seule une fraction minime de la littérature en Libre accès est actuellement sous licence, et cela est vrai même pour les contenus des revues en Libre accès.

Les licences Creative Commons offrent la meilleure solution parce que ce système est intelligible à tous et propose différentes licences lisibles par machine répondant à tous les besoins. Faute de telles licences, il sera indispensable dans certaines juridictions de modifier la législation sur le droit d’auteur pour permettre l’application des techniques d’exploration des textes et de prospection des données aux travaux de recherche.

La formulation de politiques facilitant la diffusion des travaux de recherche est un exercice encore relativement nouveau. Une politique peut préconiser et encourager le Libre accès, ou le rendre obligatoire. Les faits montrent que seule la seconde approche, l’approche prescriptive, permet l’accès à de grandes quantités de documents. Ils montrent aussi que les chercheurs acceptent de bonne grâce d’être soumis à ce type d’obligation. La Publication du Rapport Finch [1]“Report of the Working Group on Expanding Access to Published Research Findings” http://www.researchinfonet.org/wp-content/uploads/2012/06/Finch-Group-report-FINAL-VERSION.pdf est un des exemples du changement de position des gouvernements concernant le Libre accès.

Toute politique de Libre accès doit trancher les questions suivantes :

Voies d’accès : la politique peut imposer le Libre accès « vert », c’est-à-dire l’auto-archivage, mais si elle entend préserver la liberté des auteurs de publier là où ils le souhaitent, elle doit se contenter d’encourager le Libre accès « doré », autrement dit la publication dans des revues en Libre accès.

Lieu de dépôt : obligation peut être faite de déposer les travaux dans un dépôt institutionnel ou une archive centralisée. Les établissements de recherche opteront bien sûr pour la première solution ; les bailleurs de fonds pourront faire de même ou, dans certains cas, désigner une archive centralisée particulière.

Types de contenus visés : toutes les politiques s’appliquent aux articles publiés dans les revues, mais elles devraient également encourager le Libre accès aux livres. Les politiques des bailleurs de fonds s’appliquent aussi, et de plus en plus, aux données issues de la recherche.

Embargos : la politique doit préciser la durée maximale autorisée d’embargo, laquelle ne devrait pas excéder six mois pour les travaux scientifiques. Elle devrait rendre obligatoire le dépôt de l’œuvre à la date de publication, le texte intégral demeurant confidentiel jusqu’à l’expiration de la période d’embargo.

Autorisations : le Libre accès dépend de l’autorisation du titulaire du droit d’auteur, et peut donc être tributaire des intérêts de l’éditeur. Pour éviter toutes difficultés, l’auteur, ou son employeur, doit conserver des droits suffisants et accorder à l’éditeur une « licence de publication ». Lorsque le droit d’auteur est cédé à l’éditeur, le Libre accès sera toujours subordonné à l’autorisation de ce dernier, et la politique doit en tenir compte et par conséquent doit laisser à l’éditeur une« échappatoire ».

Application effective de la politique : le degré d’application varie selon le caractère plus ou moins contraignant de la politique et le soutien constant ou non qui lui est apporté. Des efforts de sensibilisation et, si nécessaire, des sanctions améliorent le respect des dispositions de la politique.

Sensibilisation à l’appui de la politique : certaines pratiques en matière de sensibilisation au Libre accès ont fait leurs preuves. Les décideurs doivent veiller ace que les pratiques mises en œuvre soient connues, comprises et appropriées.

Recours à des sanctions : les établissements de recherche et les bailleurs de fonds disposent de certaines sanctions pour faire appliquer la politique de Libre accès. Les décideurs doivent s’assurer que les sanctions appliquées lorsque les autres mesures ont échoué sont clairement définies, comprises et appropriées.

Dérogations : les auteurs ne peuvent pas toujours se conformer à une politique prescriptive. Celle-ci doit donc prévoir des mesures de dérogation.

Libre accès de type « voie dorée » : lorsque le bailleur de fonds ou l’établissement de recherche a pris des engagements particuliers concernant le paiement des frais de traitement des travaux publiés selon la« voie dorée », cela doit être précisé dans la politique.

© UNESCO 2013.

References[+]