Deux exemples de stratégie d'établissement, en Lorraine pour soutenir l'édition scientifique ouverte, et à Aix-Marseille pour développer son archive ouverte. Les objectifs et les difficultés rencontrées sont abordés dans un entretien avec un point sur les frais de publication.

Partageons la science ouverte – 3 | « Quelles stratégies d’établissements ? »

Si loin si proches ?

 

En passant par la Lorraine…

« Permettre l’accès le plus large possible à la connaissance scientifique et favoriser une communication ouverte entre chercheurs sont des objectifs qui figurent dans le projet de l’Université de Lorraine pour les cinq années à venir. L’université a pris plusieurs décisions qui marquent son engagement en faveur de la science ouverte. »

C’est par ce préambule que s’ouvre le communiqué de presse diffusé par l’Université de Lorraine en avril 2018. Le communiqué insiste plus particulièrement sur l’initiation d’une stratégie de soutien à l’édition scientifique ouverte par réaffectation d’une partie des crédits économisés en quittant les big deals.

L’Université de Lorraine a également mis au point un site web présentant l’action de l’établissement dans le domaine de la science ouverte : http://scienceouverte.univ-lorraine.fr/

Sur ce même site sont diffusées les journées d’étude annuelles à destination de l’ensemble de la communauté universitaire. La première s’est tenue en octobre 2018. La matinée a été consacrée à des présentations générales sur la thématique de la science ouverte et l’après-midi, le propos s’est focalisé sur les données de recherche.La deuxième édition s’est déroulée le 17 octobre 2019 sur le sujet de l’édition scientifique avec cette question comme fil conducteur : quelles pistes pour publier autrement ?

La constitution d’un réseau de bibliothécaires référents pour l’ensemble des 61 laboratoires de l’université est le dernier axe fort de cette stratégie d’établissement. Ce Réseau d’Appui à la Recherche est composé de 15 collègues (filières bibliothèques et ITRF) intervenant dans les laboratoires sur toutes les questions liées à l’IST et tout particulièrement pour l’aide au dépôt dans HAL.

 

Et par Aix-Marseille…

En 3 ans, la communauté d’Aix-Marseille Université s’est saisie de son archive ouverte : à ce jour (juin 2019), plus de 31 000 documents en texte intégral déposés, plus de 265 heures de formation ayant touché plus de 660 membres de la communauté. Voici comment :

  • 2015 – mise en place du portail institutionnel HAL-AMU, décision validée à la suite du rapport d’un groupe de travail ;
  • 2016 – politique « la carotte plutôt que le bâton » : bonus recherche avec 50 % bibliométrie et 50 % dépôt dans HAL, d’abord à égalité notices/texte intégral puis augmentation annuelle pour la partie texte intégral ;
  • accompagnement de cette politique par une attention forte portée à la communication : document « Les 4 commandements du dépôt » et outils spécifiques Carnet Hypothèses et Libguides ;
  • 2017 – Journée d’étude dans le cadre de l’Open Access Week, mais aussi dossier spécial dans la Lettre d’AMU pour structurer, accompagner et valoriser cette politique ;
  • 2018 – parution aux Presses universitaires de Provence de l’ouvrage La diffusion numérique des données en SHS – Guide des bonnes pratiques éthiques et juridiques (co-direction : V. Ginouvès et I. Gras), ouvrage en libre accès sur HAL-AMU et prochainement sur OpenEdition.

En parallèle, les presses universitaires d’AMU (PUP et PUAM) structurent une politique en faveur de l’Open Access.

Et en 2019, le deuxième étage de la fusée est lancé : destination données de la recherche !

Plus d’informations :

 


 

Questions croisées à Jean-François Lutz et Marlène Delhaye

1/ D’après vous, dans vos établissements respectifs, quelles ont été les principales difficultés rencontrées ? Et sur la base de votre niveau actuel d’avancement, qu’est-ce qui doit encore progresser, se renforcer, évoluer, changer autour de la science ouverte ?

L’engagement du chercheur reste le point central de toute démarche de science ouverte. D’où l’importance du travail de terrain mené par les professionnels de l’IST dans les laboratoires pour sensibiliser, informer et former les chercheurs, les enseignants-chercheurs et également les personnels d’appui à la recherche, sur tous les aspects de la science ouverte.

 Les demandes des organismes financeurs de la recherche ont fait émerger beaucoup de questions sur les données de recherche, notamment autour des plans de gestion des données : c’est une opportunité supplémentaire de faire de la pédagogie.

À terme, l’objectif est de faire en sorte que les différentes opérations (dépôt dans HAL, gestion des données…) sont le fruit d’une conviction personnelle et collective des chercheurs et pas seulement la résultante d’une politique nationale ou d’établissement plus ou moins contraignante.

 

2/ Vos établissements ont fait le choix de politiques plutôt volontaristes. Qu’attendez-vous du CoSO, à son niveau central ?

  • La définition de standards qualitatifs reprenant l’état de l’art international sur l’ensemble des questions liées à la science ouverte : édition ouverte, archives ouvertes, gestion des données, développement de compétences, TDM…
  • La mise en réseau et le travail en commun des différents métiers et des différentes disciplines impliquées.
  • Une participation plus importante de la France aux initiatives internationales.

 

3/ Vous vous connaissez bien tous les deux et avez écrit un article ensemble en 2017, sur la mesure des dépenses d’APC : est-ce que les choses ont évolué en la matière depuis cet article ?

Les données analysées dans l’article ne portaient, pour l’Université de Lorraine, que sur la période 2013-2015. Or la poursuite de la collecte et de l’analyse de ces informations a montré une très forte hausse de la publication dans des revues en accès ouvert, et des dépenses souvent associées d’APC, au courant des années 2017 et en 2018. Cette rupture de courbe s’observe très nettement dans les disciplines relevant des STM. Pour les SHS l’évolution est beaucoup moins nette. L’ensemble du travail d’analyse portant sur les années 2012 à 2018 a donné lieu à la publication d’un rapport en octobre 2019.

 Pour Aix-Marseille Université, qui suit également les dépenses d’APC depuis 2012, la courbe des APC reste ascendante, malgré une légère baisse en 2017. Le fait de ne disposer que de données partielles (celles des systèmes comptables de nos universités) ne permet pas de savoir si cette baisse se répercute par une hausse sur les budgets des organismes de recherche partenaires ; a priori elle ne se reflète pas sur le volume global des publications de l’année. Une collaboration entre universités et organismes de recherche à l’échelle des sites sur ce sujet reste à mettre en place pour faciliter le repérage et le suivi des articles financés.

 Cette évolution, globalement à la hausse, ainsi que l’émergence de volets open access dans les négociations nationales, impliquant une validation des publications candidates à la diffusion en open access payant, renforcent la nécessité d’un suivi très régulier des dépenses d’APC par les établissements.

 

4/ Quelle(s) compétence(s) vous semble(nt) prioritaire(s) à développer dans un futur proche ?

 L’évolution de l’open access vers l’open science ouvre de nouveaux terrains d’expérimentation, élargissant les contributeurs potentiels dans les établissements à d’autres domaines que ceux de la recherche stricto sensu : les ressources pédagogiques ouvertes (Open Educational Resources, OER), la science participative (Citizen Science), les données de recherche vont faire intervenir des compétences variées, et être une opportunité de  créer des collaborations entre les différents services de l’établissement, de la direction de la recherche à la cellule de culture scientifique, en passant par l’agence comptable et la DSI.

Il sera de plus en plus nécessaire pour les personnels d’appui à la recherche d’avoir un socle de connaissances minimales assez large du paysage de la science ouverte, pour pouvoir orienter le chercheur ou le doctorant vers la plateforme, l’interlocuteur, l’outil ou la bonne pratique qui correspondent à son besoin. Cela demande de la curiosité, de l’ouverture d’esprit et une certaine adaptabilité à pouvoir sortir de la « zone de confort » des publications pour aller vers les données de recherche ou la science participative.