Lettre de la science ouverte | numéro 1

Focus sur les Journées Nationales de la Science Ouverte 2018

Éditorial

Les premières journées nationales de la science ouverte se sont tenues du 4 au 6 décembre 2018 à Paris. Elles ont été l’occasion de partager sur les sujets constitutifs de l’accès ouvert — modèles économiques de l’édition scientifique ouverte, évaluation de la recherche, données de la recherche, logiciels... Ces problématiques s'inscrivent désormais dans un contexte renouvelé : celui d'une détermination politique forte conduisant la France vers l’ouverture, à tous, des résultats de la recherche scientifique.

 

Des communautés s’investissent depuis longtemps dans cette voie, de nouvelles s’y engagent : les expériences partagées lors de ces journées démontrent que la science ouverte est un horizon possible. L’extension à d’autres disciplines et communautés est réalisable moyennant l'engagement soutenu des institutions, notamment pour financer des infrastructures ; un accompagnement juridique, éthique, technique comme dans l’application des principes FAIR ; des formations et la reconnaissance des activités liées à la science ouverte ; enfin l'application de nouveaux paradigmes de l’évaluation.

 

Les journées nationales de la science ouverte ont vocation à être reconduites l’année prochaine. Elles permettront de mesurer le chemin parcouru depuis l’annonce du Plan national pour la science ouverte en juillet 2018.

 
 
 

La première journée a été l’occasion d’affirmer une volonté politique claire de soutien à la science ouverte avec le Plan national pour la science ouverte, plébiscité par plusieurs intervenants étrangers. Cette volonté, consciente des différences disciplinaires et de l’hétérogénéité des pratiques et des contraintes, qui se veut un accompagnement plus qu’une injonction, donne du temps pour inventer et mettre en place de nouveaux modèles. Un autre point fort a été l’exhortation adressée aux chercheurs à reprendre en main le système de publication, pour que l’édition scientifique soit au service de la recherche et de la connaissance avant tout. Ces objectifs s'inscrivent dans un cadre européen et international, et requièrent la mobilisation de tous les acteurs.

 
 

La deuxième journée a rassemblé la communauté française de la Research Data Alliance. Cette première réunion annuelle du nœud national de RDA France a permis de présenter ce qu’est la RDA et en quoi consiste sa mission : construire des ponts sociaux et techniques pour structurer, partager et réutiliser les données, par-delà des disciplines et des pays ; son mode de fonctionnement en groupes de travail et groupes d‘intérêt, dont les travaux ont été illustrés par différents exemples.

 

La troisième journée a été ouverte par Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, qui a redit son soutien à la science ouverte (voir ci-dessous).

 

Puis, deux thématiques ont été abordées :

  • l’évaluation par les pairs, qui demeure un élément clé de l’activité du chercheur et qui est l’objet de nouvelles propositions dans un contexte de science ouverte. En particulier, est-ce que la science ouverte nécessite un open peer review, et si oui, que cela signifie-t-il concrètement ? Par ailleurs, comment dépasser l'omniprésence du Journal Impact Factor (JIF). Alors que dans la foulée de l'annonce du plan national pour la science ouverte, de nombreuses institutions françaises ont signé la Déclaration de San Francisco (DORA), comment dessiner le monde d'après le JIF ? 
  • la fouille de textes, qui permet de traiter une masse de données en constante progression, à condition que les chercheurs soient formés et aient accès à des infrastructures, des outils et des services faciles d’utilisation.
 

En conclusionretenons ces mots, tirés des exposés :

  • « la science ouverte est plus qu’un projet scientifique, c’est un projet de société »
  • « une recherche scientifique ne prend son sens et ne peut générer des connaissances nouvelles que lorsque l’on peut associer de manière unifiée les publications, les données et les logiciels »
  • « lorsqu'une mesure devient un objectif, elle cesse d'être une bonne mesure »
  • « la science ouverte n’est pas une utopie, mais une invention. »
 

En savoir plus

I. La science ouverte : un projet de société

Frédérique VIDAL

Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation

Dans la première partie de son intervention, Frédérique Vidal énonce les raisons pour lesquelles la France s’engage pour la science ouverte. La science ouverte est « une force qui bouscule les pratiques établies et les mentalités, un geste qui libère la dynamique de progrès par le savoir, une évidence pour quiconque veut donner à la connaissance le pouvoir de transformer le monde et de soutenir la rationalité trop souvent battue en brèche ». Pour elle, « La science veut être libre » et elle est la clé des ambitions que doit relever la recherche : élever le dialogue international en y incluant pleinement les Suds, produire plus de connaissances pour nourrir les innovations répondant à nos besoins sociétaux, et irriguer le débat public et la décision politique.


Frédérique Vidal aborde ensuite le Plan national pour la science ouverte qui accompagne cette politique publique dont la logique sous-jacente est : « tout ce qui a été financé par la collectivité doit revenir à la collectivité ». Ainsi, son ambition est que « 100 % des articles, des ouvrages, mais aussi, dans le respect de la réglementation, des données, issus des recherches financées par appel à projets sur fonds publics devront être diffusés en accès ouvert ». Car la science est un bien commun qui doit s’ouvrir à tous.


Pour atteindre cet objectif, de nouvelles règles du jeu sont à inventer, dont celles de la construction d’un nouveau modèle économique de l’édition scientifique. Pour elle, il est essentiel de soutenir des modèles éditoriaux divers, durables et viables sur le plan mondial. Pour ce faire, un fonds dédié à l’édition scientifique ouverte va être créé, piloté par le Comité pour la science ouverte.


Par ailleurs, un appel flash de l’ANR, doté de d’1,5 million d’euros, sera lancé début 2019 pour les données de la recherche, car le défi de la science ouverte ne touche pas seulement l’édition, mais également toutes les étapes du processus scientifique dont les données et les traitements logiciels.


Pour Frédérique Vidal, la science ouverte est plus qu’un projet scientifique, c’est un projet de société. Et « l’heure n’est plus à refaire l’histoire mais bien à inventer un nouveau monde, où la libre circulation des connaissances sera devenue la norme ».

II. Science ouverte : l’ambition française.

Bernard LARROUTUROU

Directeur général de la recherche et de l’innovation | DGRI / MESRI.

 

Mais, ne pas imposer un changement brutal, et accompagner la transition des communautés vers un modèle pérenne de partage et d’ouverture.

 

 

L’État français s’engage pour la science ouverte, un mouvement international qui vise à plus de partage entre les scientifiques et plus d’ouverture vers la société.

 

L’ambition française est de : développer la bibliodiversité ; inscrire la science ouverte dans le quotidien du chercheur ; mettre en place une mesure plus qualitative de la recherche ; avoir des infrastructures à la hauteur des enjeux.

III. Le chercheur et la science ouverte. Au cœur d’injonctions contradictoires ?

Pierre CORVOL

Administrateur Honoraire | Collège de France

Les attendus d’une science ouverte

  • Partager la connaissance, démocratisation du savoir
  • Mettre à disposition les protocoles de recherche, les codes
  • Réutiliser des données
  • Accroître la reproductibilité des résultats (sciences de la vie, SHS)
  • Attribution d’une découverte
  • Consulter les données en cas d’allégation d’inconduite scientifique

Un modèle à repenser en collaboration avec les chercheurs.

Le modèle ne peut être unique et ne peut être imposé de façon trop rapide ou trop verticale : il faut le co-construire avec les chercheurs.

Une période de transition est nécessaire avec un accompagnement, des formations et des financements.

En tenant compte des éléments suivants :

  • des injonctions faites aux chercheurs : effectuer une recherche éthique, intègre et responsable au niveau sociétal, publier en libre accès, assurer l’ouverture des données et des codes sources…
  • de la diversité des situations
  • du besoin de reconnaissance lors de l’évaluation des chercheurs et des équipes.
 

 

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